Le « dernier kilomètre » : problématiques de la livraison
Les transporteurs et livreurs le savent bien : entre 25 et 30% du coût de livraison est dédié à la gestion du « dernier kilomètre ». Il faut dire que depuis le développement exponentiel des sites de e-commerce et donc l’envol du nombre de colis à livrer à domicile, ces professionnels sont confrontés à de nombreuses problématiques, notamment d’origine urbaine. Il parait dès lors tout naturel de constater quelques réticences de la part de transporteurs devant se charger de livraisons dans les centres-villes. Il existe heureusement aujourd’hui quelques alternatives pour réduire le prix de ces trajets et minimiser leur impact écologique.
Pourquoi le dernier kilomètre pose-t-il problème aux transporteurs ?
Un coût plus élevé
Si 90% du trajet se passe sans difficulté majeure, c’est bien dans le dernier kilomètre que les choses se corsent. Le transporteur doit en effet livrer la marchandise à son destinataire. Seulement voilà, dans le camion ou fourgon se trouvent de nombreux autres produits à destination d’autres personnes vivant à l’autre bout de la ville. De fait, les arrêts sont nombreux et le temps perdu important. Le prix plus élevé du dernier kilomètre s’explique en partie par l’impossibilité de mutualiser les coûts de livraison en bout de parcours, les adresses de livraison des clients étant potentiellement très éloignées les unes des autres. Ceci est moins vrai quand il existe un maillage serré des clients. D’autre part, plus le livreur réalise de livraisons, plus son camion ou fourgon se vide, et donc plus la livraison lui coûte cher. En zone rurale, ce « dernier kilomètre » peut être évalué à 10-20 km, alors qu’en grande ville il n’est plus que de quelques centaines de mètres. En conséquence, il coûte encore plus cher en campagne qu’en zone urbaine.
La disponibilité du destinataire
La problématique de disponibilité du destinataire est clairement un enjeu pour la livraison des marchandises, le planning (et donc les arrêts prévus) devant être fixé suivant les disponibilités de chacun. Les parcours ne sont de fait pas nécessairement optimisés dans la ville, ce qui est indirectement source de frais supplémentaires pour le transport.
Faire face au milieu urbain
Approcher la ville est un véritable casse-tête pour certains gabarits de véhicules, et notamment les fourgons et camions. Et pour cause, les politiques environnementales des villes étant de plus en plus strictes, la circulation de certains types de véhicules (notamment ceux les plus polluants) peut être limitée sur certaines plages horaires (de trafic moins dense) voire interdite (constamment ou pendant les pics de pollution). Ces contraintes sont relativement difficiles à gérer car elles imposent indirectement des horaires qui doivent être rendus compatibles avec les disponibilités des destinataires. Les livraisons de nuit sont elles aussi impactées par l’environnement urbain du fait d’une politique de réduction des émissions sonores en ville.
Le stationnement
Le problème de stationnement, déjà bien connu des automobilistes, prend une dimension bien plus grande avec des véhicules de types camions ou fourgons. Les villes ne comptent en effet que peu d’emplacements dédiés à la livraison. À la recherche de places à proximité des lieux de livraison, les livreurs sont couramment contraints de bloquer la circulation en enclenchant le warning de leur véhicule le temps du déchargement des colis.
Toutes ces problématiques rendent le dernier kilomètre de livraison bien complexe à gérer.
Des solutions en voie de développement
Livrer en point relais
Deuxième mode de livraison préféré des acheteurs en ligne, le point relais apporte un grand nombre de bénéfices. D’un point de vue économique, le transporteur (et le client) paie(nt) moins cher car le nombre d’arrêts réalisés par les livreurs baisse alors considérablement. La mutualisation des coûts de gestion liés au transport de ces marchandises est également possible jusqu’au lieu de dépôt. En outre, les trajets étant simplifiés (quelques adresses de points relais pour remplacer des dizaines d’adresses de particuliers), l’empreinte carbone de ces livraisons est réduite. En pratique, les gros transporteurs voient leurs trajet de livraison plus routiniers (mêmes adresses des points relais).
La livraison en magasins
Au vu de l’essor des commandes par internet, le volume de colis devrait continuer à s’accroitre de plus de 20% par an. La livraison directement en magasins constitue une autre solution, du même ordre d’idée que les points relais.
Mutualiser les livraisons
Cibler les livreurs en fonction de la zone de livraison pourrait apporter une réponse aux problèmes du dernier kilomètre. Le principe est simple : utiliser un seul camion ou fourgon pour livrer plusieurs commerces géographiquement proches. Cette option est intéressante, non seulement d’un point de vue tarifaire du transport, mais également environnemental. Elle permet aussi de diminuer le trafic, soit le nombre de véhicules de transport de produits. En somme, cette mutualisation des livraisons consiste à optimiser les transports réalisés dans un même secteur pour diminuer le nombre de véhicules nécessaires pour accomplir la même mission.
Les véhicules propres
Autre solution pour améliorer la gestion de ce dernier kilomètre, l’usage de véhicules propres et plus silencieux apparaît comme une vraie alternative aux restrictions de circulation des véhicules diesel. Cela nécessite toutefois un certain investissement pour remplacer une partie ou la totalité de la flotte de transport par des camions ou fourgons électriques ou hybrides.
L’auto-partage consistant à utiliser pour la dernière partie du trajet des véhicules en libre-service avec réservation est également en cours d’adaptation pour les véhicules de transport. Des ELU (Espace Logistique Urbain) émergent de plus en plus. Les livraisons se font vers un lieu bien spécifié en ville, zone à partir de laquelle repartent des véhicules moins encombrants et plus propres.
D’autres solutions innovantes
Hormis quelques essais atypiques, du type livraisons par drones, d’autres expérimentations sont actuellement menées. Parmi elles, la livraison du dernier kilomètre par des triporteurs électriques, des éco-livreurs, et la présence de centres de tri stratégiquement positionnés apparait comme prometteuse. L’innovation technologique est un véritable enjeu dans ce secteur, et un enjeu commercial. Quand certaines enseignes proposent la création de consignes automatiques, d’autres misent sur des robots livreurs, ou des drive spécifiques installés en périphérie des grandes villes. D’ici quelques années, d’autres idées naîtront également du « laboratoire d’idées » du Club du dernier kilomètre de livraison CDKL, une entité qui met en relation des acteurs économiques du secteur avec des élus et des collectivités (La Poste, SNCF, Voies Navigables de France, France Nature Environnement,…).
Si des solutions techniques sont clairement mises en évidence, leur application concrète implique de repenser le modèle de transport des colis en utilisant des outils spécifiques utilisables par tous. Les enjeux sont de taille car ils comprennent la maîtrise des flux routiers dans les villes, la limitation des nuisances sonores pour les riverains, la minimisation de l’empreinte environnementale associée à ces transports ou encore la satisfaction de la clientèle (avec des délais de livraison réduits à 24h/48h notamment).